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Dirigée par Jean-Pierre Chupin, depuis l’Université de Montréal, la Chaire ACME contribue à l’amélioration de la qualité des environnements construits. Les projets de recherche,  concours d’idées, expositions critiques et bases de données interrogent la capacité des édifices et des espaces publics à correspondre aux attentes en termes d’équité, de valeur sociale et de durabilité. Ces problématiques sont abordées au prisme des prix d’excellence et des concours compris comme des filtres épistémologiques et des dispositifs de médiation.

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Sondage versus concours : simulacre et démocratie

À propos de l’annulation du concours pour le monument commémoratif de la mission du Canada en Afghanistan par Jean-Pierre Chupin et Jacques White.   Quand il s’agit de juger des projets d’art ou d’architecture, un sondage en ligne est un « simulacre de démocratie » qui ne peut remplacer ni un concours de design ni un vrai jury! Condamnant vigoureusement des élections organisées par la Russie dans les territoires occupés de l’Ukraine, le Premier ministre Justin Trudeau a récemment déclaré haut et fort que ces procédures constituaient un « simulacre d’élections ». En annulant un résultat de concours pour un monument aux vétérans, et en le remplaçant par un sondage en ligne, son gouvernement s’est quant à lui dangereusement égaré dans un simulacre de démocratie sur lequel il faut aujourd’hui réfléchir pour mieux réagir et surtout éviter qu’il ne se reproduise. Sondage versus concours : simulacre et démocratie 11 septembre 2023 Jean-Pierre Chupin, professeur titulaire de la chaire de recherche du Canada en architecture, concours et médiations de l’excellence à l’Université de Montréal (www.crc.umontreal.ca) Jacques White, architecte, professeur retraité à l’Université Laval, formateur et conseiller professionnel en concours multidisciplinaires et d’architecture   Rappelons tout d’abord que les milieux de l’art, de l’architecture et du design ne décolèrent pas depuis l’annonce, le 19 juin dernier, de l’annulation du résultat du concours pour le monument commémoratif de la mission du Canada en Afghanistan. Cette frustration apparaît d’autant plus légitime que le renversement du choix du jury s’est fait sur la seule base d’un sondage en ligne propice aux confusions de toutes sortes. Affirmant vouloir donner la parole aux vétérans, chose honorable s’il en est, le gouvernement fédéral a décrédibilisé la décision du jury d’un concours de design, sacrifiant au passage un principe fondamental de notre démocratie : le respect d’un jugement collectif qualitatif porté par un jury représentatif, impartial et informé. Si cette affaire devenait un précédent de la commande publique, aucun architecte, designer ou artiste n’accepterait que sa proposition soit livrée en pâture à un sondage en ligne. Pour juger de la complexité de projets pour des espaces publics, pour des édifices recevant du public et dans le cas présent pour des « monuments publics », un sondage ne sera jamais une procédure fiable, équitable, et transparente comme peut l’être une procédure de mise en concours bien organisée. En tant qu’universitaires et architectes bien au fait des pratiques de concours, il nous importe de dénoncer la dangereuse confusion entre opinion et jugement. Un vote anonyme en ligne, même agrémenté d’une série de questions, n’est pas l’équivalent des délibérations d’un jury représentatif des intérêts du public, constitué de membres informés des multiples enjeux qui débattent pendant de longues heures de toutes les propositions – elles-mêmes conçues par des équipes multidisciplinaires – et qui portent un jugement consensuel argumenté au nom de l’intérêt collectif. Nous pourrions passer au crible les questions sondage, les comparer aux documents du concours et démontrer sans difficulté en quoi celles du sondage restent superficielles, fermées et non opérationnelles, tandis que celles du concours ciblent des questions fondamentales, ouvertes à la conception et utiles pour conduire à un jugement solidement argumenté. Car ce sondage s’est effectué dans un temps très court, à partir de la diffusion de dossiers de projets dont on sait que la complexité échappe parfois aux experts eux-mêmes. Plus douteux encore, se sondage était contrôlé par des questions dites thématiques, dont chaque formulation aurait été un impossible défi de design pour les artistes et les designers. On demandait par exemple quel concept exprime correctement : « L’appui indéfectible manifesté par les familles, les amis et les collectivités au Canada tout au long de la mission ». On demandait encore quelles propositions parviennent à : « Reconnaître les efforts des Canadiens et des Canadiennes qui, solidaires avec le peuple afghan, ont aidé à rebâtir l’Afghanistan et encourager une meilleure compréhension de l’importance et de la portée de la mission du Canada en Afghanistan ». L’art, le design et l’architecture ne peuvent pas tout représenter de façon directe, simpliste et sans équivoque, surtout quand il est question de symbolique nationale. Il aurait été plus simple et plus honnête de demander aux répondants de désigner leur projet préféré, mais, ce faisant, il aurait été plus difficile de camoufler un choix purement politique derrière un nuage d’opinions dont la subjectivité aurait alors été évidente. Insistons, un sondage n’est pas un jugement collectif! Seul le jugement qualitatif d’un jury constitue une construction délibérative – une intelligence collective – et c’est en cela qu’il s’agit d’un des plus importants dispositifs démocratiques. Il est vrai que de nombreux concours – mais ce n’était pas le cas de celui-ci – comportent un article permettant au commanditaire de ne pas suivre la recommandation du jury. Le cas échéant, il a pour seul objectif de contrer toute ingérence ou irrégularité qui serait intervenue dans le processus du concours et qui en discréditerait le résultat. Dans le cas qui nous occupe, l’inverse se produit : le commanditaire s’ingère dans un processus démocratique qu’il a préalablement approuvé en le discréditant, sans justification valable. Que dirait-on d’un résultat sportif ou d’un prix cinématographique qui serait annulé par un sondage en ligne a posteriori? Que dirait-on d’une élection démocratique qui serait renversée par un sondage anonyme en ligne? Que dirait-on d’un jugement du tribunal, qui serait annulé par sondage en ligne désignant le « vrai » coupable? Ne s’agirait-il pas, dans tous les cas, de lynchage public révoltant? L’honneur des vétérans ne se trouve respecté ni par la réfutation peu honorable d’une procédure bien établie, ni par un choix politique au résultat peu convaincant. Ce n’est pas l’objectif premier de notre analyse, mais en comparant les deux propositions les différences sont claires, tout comme les tensions entre abstraction et figuration qu’elles incarnent. Il est assez clair que le choix d’une imagerie figurative a été présenté comme populaire et « validé par les vétérans », pour mieux l’inscrire en opposition au choix d’un jury d’experts jugé abstrait. Le jury était pourtant composé d’un vétéran, d’une représentante des familles de militaires, d’un ancien ambassadeur en Afghanistan, mais également d’un directeur de musée, d’un architecte, d’un historien et d’une architecte de paysage. Il y a même quelque chose de méprisant, envers la population canadienne, à considérer qu’un monument commémoratif serait mieux servi par des images littérales chargées d’armures, de casques et de boucliers, que par des images épurées évoquant le sacrifice humain par d’intemporels jeux d’ombre et de lumière. Quand on sait que plusieurs autres projets de monuments commémoratifs sont en gestation au ministère des Anciens Combattants, il serait urgent d’ouvrir le débat de la création contemporaine au service du patrimoine et des citoyens. Tout le monde est perdant dans cette triste affaire. Les vétérans, tout d’abord, car on n’exprime pas « la profonde gratitude du Canada pour les sacrifices consentis par les Canadiens et Canadiennes qui ont servi en Afghanistan, y compris les membres des Forces armées canadiennes et les civils qui ont perdu la vie ou ont été blessés » *, en bafouant une procédure sensée protéger l’audace, l’intégrité et l’impartialité. Le gouvernement ensuite, qui se doit d’incarner l’exemplarité dans toutes ses procédures et respecter ses engagements formulés dans ses propres modalités d’octroi des marchés publics. Les citoyens et citoyennes sont également perdants et perdantes, car la solennité de la visite du monument sera longtemps brouillée par la controverse et la polémique et c’est bien la confiance dans une procédure de jugement qualitatif qui est perdante de cet échec monumental. Finalement, n’oublions pas les équipes qui ont consacré de longues heures et ont mis leur âme et leur expertise dans leur proposition, croyant légitimement à leurs chances de la voir évaluée avec équité, dans le respect des règles annoncées. Comprenons d’autant plus leur immense déception que, contrairement aux bonnes pratiques des concours, le gouvernement n’a pas encore eu le courage, de partager le rapport du jury. Cette triste situation n’est pas irréversible. Nous y voyons plusieurs issues complémentaires : Tout d’abord, et puisqu’il est aussi question de fonds public dans cette affaire, demandons au minimum que le rapport du jury soit diffusé publiquement le plus rapidement possible. Par respect pour les concurrents, les membres du jury, et d’une certaine façon pour tous les architectes, designers et artistes - gens d’honneur et de principe au service de la collectivité – ce rapport constituera la première pierre d’un véritable débat public, impossible sans cela. Mais il y a plus important encore. Par respect pour les vétérans, demandons au gouvernement de revenir sur cette mauvaise décision en octroyant le projet à l’équipe lauréat du concours. Enfin, pour que cette situation n’entache pas les prochains appels à concevoir et à construire des monuments, tout comme des édifices et des espaces publics, demandons au gouvernement de respecter – voire de généraliser – une procédure véritablement qualitative et démocratique : le concours de projets avec jury.     *Extrait de la première question du sondage en ligne. https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/art-monuments/projets-cours/resultats-sondage-monument-afghanistan.html  Liens utiles : https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/memorials/afghanistan-monument https://www.canada.ca/fr/anciens-combattants-canada/nouvelles/2023/06/le-gouvernement-du-canada-devoile-le-concept-de-design-selectionne-pour-le-monument-commemoratif-national-de-la-mission-du-canada-en-afghanistan.html https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/art-monuments/projets-cours/resultats-sondage-monument-afghanistan.html https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2023-08-28/monument-commemoratif-de-la-mission-du-canada-en-afghanistan/quand-le-gouvernement-trudeau-ecarte-les-gagnants-du-podium.php https://www.ledevoir.com/opinion/idees/797709/idees-desaveu-nie-excellence-art?   Pétition lancée par un collectif d’artistes : https://www.change.org/p/monument-commémoratif-de-la-mission-du-canada-en-afghanistan-combattre-l-injustice
PUBLICATIONS

L'IRAC et la revue Canadian Architect présentent un résumé de la convention de Calgary de Jean-Pierre Chupin

Dans un nouvel article du Journal de l'IRAC inclus dans la plus récente édition de la revue Canadian Architect, Jean-Pierre Chupin, professeur à l'Université de Montréal et directeur du projet, aborde les nouvelles conceptions de la qualité architecturale et la façon dont le partenariat de recherche du CRSH les a abordées jusqu'à présent. 
Cliquez ici pour lire l'article.
Pour citer cet article : Chupin, Jean-Pierre, « The New Social Value of Architectural Quality » in Canadian Architect, August 2023, pp. 15-18.
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ÉVÉNEMENTS

Agenda du partenariat sur la qualité pour 2023-2024 et une vue générale du calendrier

Calendrier
PUBLICATIONS

Jean-Pierre Chupin présente la neuroarchitecture dans le journal La Presse

À l’occasion de la semaine de l’accessibilité au Sénat, le journal La Presse se fait l’écho de la recherche coordonnée par des chercheurs de l’Université de Montréal membres du LEAP et du partenariat CRSH sur la qualité. Cliquer ici pour lire l’article.
PUBLICATIONS

The Rise of Awards in Architecture, un nouveau livre édité par Chupin, Cucuzzella et Adamczyk

The Rise of Awards in Architecture est la première étude scientifique à se concentrer sur les prix décernés dans le domaine de l'architecture et de l'environnement bâti. Que symbolisent, incarnent et mesurent ces prix? Découvrez les réflexions des auteurs sur leurs chapitres respectifs en vidéo!
ÉVÉNEMENTS

Vidéo de la table ronde : Que vaut un prix d’architecture?

Autrefois symbole d’excellence et d’exception, les prix d’architecture et de design, qui visent à récompenser des réalisations, se sont multipliés de façon exponentielle ces dernières années. Ce débat fut consacré à des interrogations quant à la valeur accordable à ces prix, considérant leur démultiplication.
PERSONNES

Deux bourses doctorales CRC-ACME pour Paloma Castonguay-Rufino et Shantanu Biswas-Linkon

Deux bourses de soutien à deux doctorants de la Chaire de recherche du Canada en architecture, concours et médiations de l’excellence : Paloma Castonguay-Rufino et Shantanu Biswas-Linkon.
PERSONNES

Des étudiantes de Concordia, UdeM et Calgary participent au forum national de l'Accessibility Professional Network 2023

Les 1 et 2 mars 2023, plusieurs étudiants membres du partenariat CRSH ont été invités à participer au colloque annuel APN2023 qui a réuni des leaders de l'industrie, des professionnels de l'accessibilité et des leaders d'opinion mondiaux.
ÉVÉNEMENTS

Conférence-débat autour de l'histoire des écoles d'architecture en France et au Québec

Date : 31 janvier, 2023, 17h30 Localisation : Amphithéatre 1120, Faculté de l’aménagement, Université de Montréal. A l'occasion de la parution en 2022 de L'architecture en ses écoles, une encyclopédie, nous accueillons Daniel Le Couédic, architecte et historien, professeur à l'Université de Bretagne Occidentale, et co-directeur de l'ouvrage. Autour de Lucie K. Morisset, professeure à l'UQAM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, cette conférence-débat réunira également deux contributeurs québécois à l'encyclopédie, François Giraldeau, professeur honoraire à l'École de design de l'UQAM, et Jean-Pierre Chupin, professeur à l'École d'architecture de l'UdeM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en architecture, concours et médiations d'excellence, Anne-Marie Châtelet, Amandine Diener, Marie-Jeanne Dumont and Daniel Le Couédic, (dirs.), L’architecture en ses écoles (une encyclopédie de l’enseignement de l’architecture au XXe siècle), Châteaulin, Éditions Locus Solus, 2022. Jean-Pierre Chupin et François Giraldeau, article Québec, relations et échanges. p. 568. Sommaire Avec ses 704 pages et ses 341 notes rédigées par 147 auteurs, cet ouvrage est le résultat d'un vaste effort collectif pour rassembler et approfondir, de manière inédite, un état des connaissances jusqu'alors fragmentaire.Cette histoire de l'enseignement de l'architecture en France au XXe siècle aborde de multiples dimensions - pédagogique, professionnelle, territoriale, politique, institutionnelle et matérielle - et couvre un ensemble d'institutions impliquées dans l'enseignement de l'architecture, comme les écoles d'ingénieurs. En France, l'histoire de l'enseignement de l'architecture a longtemps été réduite à ses prétendues lacunes et au récit de la lutte des chantres de la modernité contre l'École des Beaux-Arts de Paris. Le tremblement de terre de 1968 a enterré jusqu'au souvenir de cette époque révolue. Le renouveau est venu des États-Unis, où l'École avait joui d'un grand prestige, mais il n'a d'abord concerné que le XIXe siècle. Il faudra attendre les années 1980 pour que s'éclaire la complexité des choses débattues et vécues au XXe siècle et, surtout, pour que soient corrélées les recherches sur l'architecture, son enseignement, la profession et sa pratique. Dans ce mouvement, on retrouve le débat longtemps exacerbé entre les architectes défendant le monopole parisien et leurs confrères provinciaux, qui avait précédé la création des premières écoles régionales en 1903. L'École régionale de Rennes - devenue École régionale de Bretagne en 1984 - fut la seconde à ouvrir ses portes ; son histoire permet ainsi de comprendre toutes les étapes de ce parcours heurté qui, bien au-delà de l'architecture, renseigne sur la réinvention de l'enseignement supérieur en France et sur le rôle qu'il a joué dans la structuration du territoire national. La discussion s'appuiera également sur un autre livre de notre invité : Un siècle de fabrique des architectes, Châteaulin, Locus Solus, 2022. Télécharger l'affiche PDF de l'événement : https://crc.umontreal.ca/wp-content/uploads/2023/01/20230131_Affiche_Conference-debat.pdf